Les bons comptes font les bons amis feat. Grantaire

C’était assez habituel que Grantaire se trouve au café Musain, que ça soit pour des réunions des Amis de l’ABC ou non. Le jeune homme devait bien avouer qu’il appréciait cet endroit, quand bien même il y avait sans douter d’autre lieux où le vin était meilleur. Mais Grantaire trouvait son compte, en vin, et en argent qu’il dépensait ici. Dans tous les cas, il s’y rendait suffisamment pour avoir ses habitudes à présent de toute façon. Il connaissait les personnes qui y travaillait – notamment la jeune Louison – il connaissait ceux qui le fréquentaient et il appréciait donc. Dans tous les cas, le jeune homme y passait beaucoup de temps à cause des réunions pour la future révolution. Il s’y trouvait donc, encore une fois, un verre de vin devant lui parce qu’il n’avait pas l’intention de se retenir de boire. Le jeune homme avait passé une nuit presque blanche, auprès d’une conquête, ce qui ne l’empêchait pas de boire encore et encore. En même temps, il y avait plus de moment où il était saoul que sobre dans une journée.

Pour le moment, il était seul, mais Grantaire savait que le soir-même, il allait y avoir une réunion avec Enjolras, Pontmercy et les autres membres de ce groupe merveilleux. Il avait donc décidé de rester là toute la journée, en attendant de voir le monde arriver. Autant dire qu’il allait donc encore être dans les premiers arrivés et que ça ne le dérangeait guère. Bien au contraire. Il aimait bien prouver qu’il était bel et bien là, qu’il participait à toutes ces réunions, même s’il considérait vraiment qu’ils perdaient leur temps. Cependant, Grantaire n’allait pas rester seul comme il le pensait. Il vit le Roselin s’approcher de lui, un sourire vint s’afficher directement sur son visage. Grantaire savait que certaines personnes qui côtoyait ce café ne l’appréciait pas parce qu’il venait d’un milieu noble, mais en même temps, ça ne serait pas le premier à abandonner le «confort» d’une noblesse pour une vie plus bohème. L’homme posa alors une pièce près de son verre de vin, que Grantaire ne tarda pas à prendre directement pour la mettre dans sa poche.

« Je t’avais prévenu, tu ne m’écoutes jamais. » Dit-il alors pour revenir sur le fait que l’homme avait perdu son pari et que la belle brune qu’il avait trouvé hier, n’était autre qu’un homme. Mais visiblement, cela ne l’avait pas empêché de passer quand même un bon moment. Tant mieux pour lui, il n’allait pas le lui reprocher. Aymeric commanda donc du vin et en profita aussi pour lui payer un verre de vin. « Il n’y a pas à dire, j’adore t’avoir pour ami. » En même temps, Grantaire ne pouvait que aimer les personnes qui lui payait un verre. « C’est parce que tu ne sais pas voir la vraie valeur des choses. »

Aymeric n’avait visiblement pas l’intention de de suivre les conseils de tout le monde, encore moins le sien. Soit, Grantaire n’allait pas le lui reprocher, il faisait bien ce qu’il voulait. Et s’ils pouvaient faire un bon nombre de pari avec le noble, tout en gagnant à chaque fois tant qu’à faire, ce n’était pas plus mal. Cette petite pièce que son camarade venait de lui donner, ça allait quand même lui permettre de se payer un peu de vin. Et clairement, ça c’était une très bonne chose. En tout cas, pour l’heure, son ami ne manqua pas de lui expliquer sa vision de la vie. Il avait le sentiment d’avoir déjà entendu ça, mais Grantaire l’écouta quand même attentivement, après tout ça valait bien ce verre de vin qui se trouvait devant lui de nouveau. Il ne manqua pas de boire d’ailleurs une longue gorgée, en profitant pleinement du goût du vin coulant dans sa gorge. Bon, il savait que ce n’était pas le meilleur des vins, mais le jeune homme appréciait quand même de le boire. Ça ne faisait pas de mal par où ça passait.

En tout cas, Aymeric affirma qu’il ne savait pas la vraie valeur des choses en effet, ou plutôt qu’il attendait bien plus. Pour la simple et bonne raison qu’il était un éternelle insatisfait. Grantaire s’amusait des propos de son interlocuteur, de le voir à ce point philosopher, de l’entendre parler autant. En tout cas, son interlocuteur décréta qu’ils n’étaient pas là pour philosopher, avant de le questionner un peu sur la soirée qu’il avait passé la veille, après qu’ils se soient quittés justement et que Aymeric avait décidé de s’en aller avec sa « conquête ».

« Qui ça, Louison ? » Demanda-t-il quand son ami le questionna sur le fait d’être rentré en compagnie de la serveuse. « Non, pas du tout. » Ajouta-t-il en riant, parce que non, effectivement, il n’était pas rentré avec Louison et qu’il n’avait pas l’intention de le faire. La petite Louison, il l’aimait bien, mais ce n’était pas du tout le genre de chose qu’il envisageait avec elle. Bien au contraire. Même s’il ne se rendait pas compte que la jeune femme avait bien plus d’attirance pour lui qu’il n’envisageait. « Je ne suis pas rentré chez moi cette nuit, j’ai accompagné une charmante jeune femme chez elle. » Reprit-il alors, dans le but de pouvoir expliquer un peu à son ami la soirée qu’il avait passé. « Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. » Et ça voulait quand même tout dire. « Elle s’appelle Mathilde. » Dit-il, avant d’hésiter une seconde. « Ou Gertrude. » Nouvelle pause. « Bon, je ne me souviens plus, mais c’était une très belle nuit. »

Au final, il n’avait pas besoin de s’en rappeler du prénom de la jeune femme, elle n’allait sans doute jamais recroiser sa route. Et si c’était le cas, elle ne serait qu’une parmi tant d’autre.

Grantaire ne se retint pas de rire à gorge déployée quand son ami affirma qu’il valait mieux que la donzelle avec qui il avait partagé sa couche se nomme Mathilde et non Gertrude, puisque ça ne sonnait pas pareil en terme de physique. Dans tous les cas, quel que soit son prénom, cette jeune femme était magnifique et Grantaire avait passé une très bonne nuit. Elle ne s’appelait peut-être même pas Mathilde ou Gertrude d’ailleurs, ça ne serait pas vraiment la première fois que Grantaire ne parviendrait pas à se rappeler du prénom de sa conquête. En grande partie parce qu’il l’aurait rencontré avec un taux assez élevé d’alcool dans le sang. On ne pouvait pas vraiment parler de moment où le jeune homme était à jeun, parce que ça n’arrivait que très peu souvent.

Aymeric lui demanda alors s’il devenait un concurrent dans le pécher, que le fait de ne pas se souvenir du prénom de sa conquête, c’était clairement le pêché de la Luxure. Soit, sans doute, Grantaire ne s’en cachait même pas vraiment. Il n’était pas le dernier à profiter pleinement des belles fesses des gentes dames qu’il croisait ici et là. Aymeric mentionna l’Eglise et le prêtre qu’il avait connu à une époque. Quand il le faisait, il y avait toujours un côté un peu amer dans sa façon de prononcer les choses. Grantaire ne pouvait que le comprendre. Quand bien même Dieu était évidemment l’entité au-dessus d’eux et que par moment, l’alcoolique notoire ne manquait pas d’apprécier son œuvre, il n’était pas du tout adepte de toutes ces personnes en aube qui cherchait à donner la bonne parole. Parce que les pêchés, c’était quand même sacrément agréable.

« Je laisse le romantisme aux autres. » Dit-il dans un clin d’œil en levant son verre, pour en boire une nouvelle fois son contenue sans évidemment perdre de temps pour le remplir de nouveau. Il n’aimait pas voir un verre vide, ça lui donnait des bouffées d’angoisse. « Et ne compte pas sur moi pour aller le confesser, j’ai trop de chose à dire et si peu de temps. » Si Grantaire devait aller se confesser, il était évident qu’il perdrait quand même énormément de temps. « Je n’y peux rien si j’adore la compagnie des belles femmes, et qu’elles adorent ma compagnie en plus. Je me contente simplement de profiter de la vie comme elle est, et de profiter de ce que la vie me donne. Du bon vin. » Il but une nouvelle gorgée. « Et des belles femmes. » Son regard se tourna un peu vers la salle du café Musain, mais il n’y avait que des hommes en cet instant précis. « Je n’ai que ça à faire de ma vie de toute façon, donc j’en profite. Elle est courte, ça serait vraiment dommage de s’ennuyer avec des choses ennuyantes. Je préfère largement faire tout ce dont j’ai envie. Et ce que j’ai envie… c’est déflorer des Mathilde ou des Gertrude avec le plus de vin possible. »

Grantaire leva les yeux au ciel quand son camarade affirma qu’au fond, il était sûr et certain qu’il était un grand romantique, avant d’expliquer la manière dont il voyait les choses. Le fait que Grantaire pouvait tout simplement être amoureux de toutes les personnes avec qui il avait l’occasion de passer du temps, qu’il tombait donc sous le charme de ces jeunes femmes, avant de tomber amoureux d’une autre femme la nuit suivante. En un sens, le jeune révolutionnaire appréciait les propos de son interlocuteur, même s’il avait tort. Définitivement tort. Mais ça ce n’était pas grave, après tout, Aymeric pouvait bien imaginer les choses comme il le voulait et penser d’une certaine façon. En tout cas, l’homme ne manqua pas de préciser que de son côté, il n’avait aucun mal à aimer plusieurs personnes en même temps, à aimer les femmes, les hommes. Tant mieux pour lui, Grantaire n’avait aucun mal à l’imaginer faire ce qu’il voulait quand il le voulait. Le jeune homme n’allait pas commencer à lui reprocher ses dépravations, quand il avait parfaitement conscience des siennes. Il était un alcoolique après tout, il passait son temps à boire du vin dans ce bar. Et en grande parti dans le but de passer du temps en compagnie d’une personne en particulier, même s’il ne se l’avouait pas réellement pour autant.

Grantaire laissa cet auteur parler encore et encore. C’était ce que Grantaire aimait le plus chez lui au final, il parlait tellement et tellement qu’on pouvait seulement se contenter de le laisser parler et gérer la conversation sans dire le moindre mot. Et même si Grantaire adorait parler – sinon il ne le ferait pas autant qu’il le faisait, même quand par moment il ne le faisait pas au bon moment –, il adorait aussi boire et il adorait encore plus boire tout en écoutant quelqu’un parler. Alors, il ne se retenait pas de boire encore et encore autant que Aymeric parlait encore et encore.

« Parce que tu penses que je me retiens mon ami ? » Demanda-t-il finalement quand son ami fini enfin par terminer de parler. « J’ai bien l’intention de profiter de chaque instant de ma vie avant de passer l’arme à gauche. » Et il ne manquait pas de le faire. « Surtout que je ne suis même pas sûr de tenir bien longtemps. » Affirma-t-il dans un rire, sans avoir le moindre souci à affirmer qu’il n’allait pas vivre bien vieux. En même temps, il n’avait aucune envie de le faire, il risquait clairement de vite s’ennuyer si jamais il devait vivre beaucoup trop longtemps.