Éponine Thénardier

Née au mauvais endroit au mauvais moment. Certains ont la chance de naître dans le luxe et l'opulence, d'autres ont la misère pour berceau. Éponine appartient à cette seconde catégorie. Ses parents, les Thénardier, individus de sinistre réputation, n'ont pas volé cette dernière. Ce sont en effet des truands et des magouilleurs de la pire espèce, et la jeune Ponine n'eut jamais d'autre choix que de faire avec la misère, avec l'instabilité, et cette crainte, sans cesse, de devoir affronter la rue. Elle n'a plus beaucoup de souvenir du temps qu'elle a passé dans l'auberge que tenait alors le couple Thénardier à Montfermeil et où elle a vu le jour. Elle sait seulement qu'elle voyait les gens défiler, et que ses parents avaient toujours mille astuces pour les déposséder de leur bien. Elle se souvient également très vaguement d'une autre petite fille du même âge qu'elle qui avait vécu un temps avec eux, et à qui l'on faisait faire les pires corvées, mais elle ne lui avait jamais vraiment parlé ni ne s'était adressé à elle. Cosette aurait pu devenir comme une soeur, pour elle, ça n'a jamais été le cas. Sa soeur, c'était Azelma, âgée d deux ans de moins qu'elle, son unique amie et confidente. Cette petite blonde qui disparut du jour au lendemain n'eut pas l'occasion de lui manquer. Éponine ne sut jamais quel secret entourait la demoiselle, ni même que leurs chemins se recroiseraient plusieurs années plus tard, pour le pire...

Peu après le départ de la petite blonde, même si Éponine ne fit jamais de véritable lien entre cet événement et ce qui se produisit ensuite, les Thénardier firent faillite et durent fermer l'auberge du bon Samaritain. Pour la famille Thénardier, qui comptait alors un membre de plus, Gavroche, ce furent plusieurs mois d'errance, où Éponine apprit à vivre de ce que sa famille parvenait à trouver, et des diverses arnaques faites aux uns et aux autres, dans lesquelles elle était constamment impliqué. Finalement, leurs pas les guidèrent jusqu'à Paname, puisque c'est là qu'il y en a le plus à pigeonner. Longtemps, ils n'eurent pas de véritable domicile, ils investirent parfois quelques demeures à l'insu de leurs habitants, parfois ils étaient moins chanceux et devaient dormir sous les ponts. Parfois, Éponine passait plusieurs jours sans savoir où ses parents se trouvaient, et à l'exemple de son petit frère, qui avait très rapidement prit la tangente loin de ses géniteurs et était devenu un enfant de la rue, devait se débrouiller par ses propres moyens. Récemment, ils se sont installés, ses parents, Azelma et elle, dans une bicoque peu engageante, la masure Gorbeau. Pour combien de temps, va savoir ? À force, Éponine s'était habitée à l'insalubrité et à la précarité... Il y a cependant une différence, et de taille, entre ce nouveau logis et tous ceux qu'elle avait pu occuper jusqu'alors. Les Thénardier avaient un voisin, et quel voisin ! Éponine ne mit pas longtemps à tomber sous le charme du jeune Marius Pontmercy... Qui bien sûr, le remarque à peine. De misères en misères, de méfaits en méfaits, Ponine survit et rien de plus. Certains combattent au nom du peuple, pour Éponine, c'est sa vie, le combat. Même si les deux pourraient bien finir par se rejoindre.

Éponine n'est pas une mauvaise fille, ça non, si elle est devenue ainsi qu'elle est, c'est que la vie l'y a tout bonnement obligée. Elle ne voulait pas, elle, naître dans la fange, et arnaquer les bonnes gens pour seulement espérer manger, mais elle n'a jamais eu le choix. Elle aurait pu être honnête si elle était née riche, mais puisque ce ne fut pas le cas, il fallait bien qu'elle accepte magouiller de temps à autres, et se jouer de la crédulité d'autrui. Elle est une demoiselle très débrouillarde, et pour cause, quand on a vécu dans la rue autant qu'elle, l'on a guère le choix, il faut savoir faire de peu de choses un trésor, et de rien un tout. Elle ne manque pas d'être hardie et courageuse, il faut ne pas avoir froid aux yeux quand on veut éviter de se laisser dévorer par la vie. Indépendante, elle sait toujours trouver un moyen, il faut toujours un moyen, quitte à faire des pieds-de-nez à la bienséance. Elle est souvent sans gêne, et l'argot qu'elle déblatère peut lui donner ds airs un peu vulgaires, mais elle n'a guère eut l'éducation nécessaire pour savoir s'exprimer comme les gens de la haute. Elle n'est guère cultivée, en effet, elle ne sait ni lire ni écrire, elle serait incapable de vous citer le nom du moindre artiste populaire en cette première moitié de dix-neuvième siècle. Pas grave, c'est pas avec ce genre de connaissances que les petites gens parviennent à gagner leur pain.

Éponine n'a guère vraiment eu l'occasion de s'abreuver de grands romans d'amour et de belles histoires romantiques, et pourtant, elle en a tout le tempérament. Quand on ne peut pas avoir ce que l'on veut, alors on en rêve. Et il n'est pas rare qu'Éponine s'y réfugie, dans ses rêves. Elle n'est pas bête au point de croire qu'ils se réaliseront un jour, mais après tout, ça ne fait jamais de mal qu'à elle.

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