La vie au jour le jour (pv Grantaire)

Grantaire avait quitté rapidement la demeure dans laquelle il se trouvait, depuis quelques minutes à peine, sans avoir vraiment prévu de la quitter si rapidement. Il terminait de boutonner son pantalon quand il passa la porte qui menait dans la rue, sous les cris de la jeune femme qu’il avait visiblement bafouée. Tout de suite, elle était partie sur ses grands chevaux quand il s’était trompé de prénom alors qu’il avait évidemment dans l’idée de s’amuser grandement avec elle. Ce n’était pas de sa faute, ça arrivait quand même, l’erreur était humaine. Mais forcément, la donzelle s’était senti trahie et avait décidé de tout arrêter, le jetant comme un mal propre dehors. Bon… bah ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait pouvoir profiter du corps agréable de cette « charmante » femme. Bon, en fait, il pensait qu’il n’aurait sans doute plus l’occasion de profiter d’elle-même plus tard, elle risquait fort de ne pas lui pardonner sa petite erreur. Ces femmes je vous jure, elles étaient vraiment susceptibles. Ce n’était pas comme s’il l’avait appelé avec un nom d’homme non plus, ça aurait été pire (mais bien sûr, il n’y avait aucune raison qu’il se trompe avec le nom d’un homme, alors qu’il se trouvait en presque acte avec une femme… enfin). À moins que Grantaire arrive tout de même à la convaincre qu’il était désolé, ce qu’il n’arriverait pas aujourd’hui, mais s’il la recroisait de nouveau. Le jeune homme misait beaucoup sur son charme naturel (oui, naturel) pour convaincre les autres, les jeunes femmes surtout. Il parviendrait à lui faire changer d’avis ou sinon, ça ne serait pas grave. Il en trouverait d’autre et en attendant… Bah pourquoi pas aller boire un coup ? Ça faisait longtemps.

Il était en train de marcher en direction d’un lieu où il allait pouvoir trouver du vin, donc autant dire vers le quartier latin pour rejoindre le café Musain. On ne changeait pas les bonnes habitudes, il avait bien envie d’aller voir un peu Louison pour lui quémander son bon vin. Et ce fut sur la route que son chemin croisa celui du gosse, de Gavroche. Grantaire l’aimait bien, il le trouvait amusant. Il trouvait ça drôle quand il se pointait aux réunions de l’ABC, ça donnait tellement plus de crédibilité à la cause (hum). Grantaire afficha un sourire quand le gosse le salua, avant de lui demander s’il avait de la gnole. Il fit mine de regarder dans ses mains, dans ses poches.

« Rien du tout sur moi, quelle infamie. » Et il était sérieux en réalité, c’était rare qu’il ne soit pas en possession d’une bouteille. « Mais je comptais justement aller remplir mon gosier. » En même temps, quand il n’était pas avec une fille, il picolait. S’il ne picolait pas avec une fille. Ou alors il était en réunion avec les autres, mais il picolait aussi donc… bref. « Tu me donnes quoi en échange ? » Demanda-t-il alors avec amusement à Gavroche pour le faire mariner un peu.

Grantaire ne se retint pas de sourire quand le petit Gavroche fouilla dans ses poches afin de lui montrer qu’il n’avait rien sur lui. En même temps, le jeune homme ne s’était pas spécialement attendu à l’inverse. Non pas que le petit adulte n’avait jamais rien dans ses poches, mais quand même… il n’était pas l’exemple le plus valeureux de la possession de bien. Il vivait dans la rue (ou dans un éléphant d’après ce qu’il avait entendu), il vivait au jour le jour, il volait, mendiait, survivait donc dans les rues de Paris. En fait, c’était un peu pour les gens comme le petit Gavroche que le groupe des Amis de l’ABC travaillait. Parce qu’ils voulaient changer le monde pour les petits gens, afin qu’ils ne soient plus miséreux comme c’était le cas présentement. Ouais, c’était pour ça, c’était une bonne cause. Dommage que ça ne soit qu’une bande de glandu qui prenait part au combat, en dehors du leader charismatique à la belle chevelure bouclée. Gavroche précisa qu’il n’y avait rien qu’il ne possédait, ce qu’il voyait bien, mais il n’y avait rien non plus qu’l ne pouvait pas posséder. Grantaire savait bien que le petit avait plus d’un tour dans son sac, qu’il était malin comme un singe.

Suffisait donc de demander comme il le lui affirmait. Soit, Grantaire ne pouvait pas nier que c’était une offre précieuse, parce que techniquement il pouvait donc tout demander à petit Gavroche en échange d’un verre ou d’une bouteille. Sauf que présentement, le jeune homme n’avait pas spécialement d’idée sur ce qu’il pouvait demander. Non pas qu’il n’avait besoin de rien, on avait toujours besoin de quelque chose, mais il ne voyait pas exactement ce qu’il pourrait avoir besoin dans l’immédiat. Et tant qu’à faire, autant que Gavroche paie sa dette tout de suite.

« Suffit de demander, suffit de demander. » Répéta le jeune homme, marquant une courte pause avant de reprendre. « C’est pas simple cette affaire. »

Ça ne l’était pas non, parce que Grantaire n’avait tout simplement aucune idée de ce qu’il pouvait bien demander au petit homme tout de suite, afin de rembourser cette bouteille qu’il lui paierait. Même si, normalement, il était bien trop jeune pour boire. Enfin, ça Grantaire ne s’en préoccupait pas. Gavroche faisait bien ce qu’il voulait.

« Je suis bien trop sobre pour réfléchir, en plus je viens de me faire jeter par ma conquête. » Ces femmes et leur susceptibilité à deux sous. « Alors je propose qu’on aille réclamer une bouteille à la petite Louison et on verra après ce que tu me donneras en échange. T’auras une dette envers moi ! »

Ça pouvait toujours servir plus tard non ? En tout cas, pour le moment, il n’avait vraiment pas d’idée de ce qu’il pourrait réclamer, donc il n’avait pas spécialement envie de demander n’importe quoi juste pour le principe. Une dette, ça pouvait être bien après tout, ça pouvait servir toujours. Surtout que le petit était un malin.

Grantaire afficha un sourire quand Gavroche souligna qu’il était en train de l’arnaquer. Non, voyons, il ne ferait jamais une chose pareille. Bon… il se retint de répondre cependant, appréciant d’entendre le jeune garçon affirmer qu’il ne trouvait pas cela juste qu’il vienne lui réclamer de la boisson, mais que ça soit à lui d’aller en chercher. Son sourire se fit encore plus grand quand le môme affirma qu’il était un bon gars et qu’il avait de la chance. Sur ces mots, le Gavroche décida de partir voir la Louison afin de récupérer une bouteille. C’était bien facile. Il se contenta donc d’attendre le môme, espérant qu’il allait effectivement revenir avec une bouteille. Parce que Grantaire ne mentait pas quand il se trouvait trop sobre et ses poches étaient quand même un peu trop vide pour qu’il puisse aller lui-même réclamer du vin à la serveuse du café Musain. Il la connaissait, elle n’accepterait jamais de lui donner une bouteille s’il n’avait pas de quoi payer. Alors qu’il passait son temps dans ce café – parce que les Amis de l’A B C, tout ça, ce genre de chose, ces réunions, Enjolras… – et donc qu’il pouvait très bien régler sa dette. Mais elle ne lui faisait pas confiance. Bon, elle avait raison de ne pas lui faire confiance, on ne pouvait pas dire qu’il soit très souvent sobre et en possession d’argent. Gavroche avait intérêt à revenir avec une bouteille, il se faisait vraiment soif.

Et ce fut le cas. Grantaire accueilli son retour avec un grand sourire, alors qu’il voyait une bouteille de vin sous son bras. Bon, ce n’était peut-être pas de la bonne qualité, mais en même temps ce n’était pas quelque chose qui l’importait. Tant que c’était de l’alcool, ça se buvait, ça se savourait, ça enivrait. Grantaire attrapa vivement la bouteille que lui tendit le môme donc et en but une longue gorgée – qui fit du bien où elle passa – alors que ce dernier lui signifiait que c’était lui qui avait une dette envers lui.

« Possible. » Dit-il alors en tendant ce nouveau la bouteille à Gavroche pour qu’il puisse en profiter aussi. Il était jeune, c’était un marmot, mais ça va, il n’y avait pas d’âge pour boire un peu de vin. À son âge… ouais, il avait déjà bu de l’alcool. Et si ce n’était pas le cas, il s’était bien rattrapé depuis. « Mais tu tombes mal. Ce n’est pas pour rien qu’on me fait pas souvent crédit. » Il n’était pas sûr qu’il paie sa dette quoi. « Qu’est-ce que tu veux alors ? »

Tant qu’à faire, Gavroche avait qu’à lui dire tout de suite ce qu’il cherchait à obtenir maintenant qu’il était convenu que Grantaire avait une dette envers lui. Au moins, il avait plus de chance que l’Ami de l’A B C n’oublie pas le deal s’il n’était pas complètement alcoolisé. Quoi que, ça restait à voir. Son état normal n’était pas la sobriété c’était évident.