Un fils doit un jour se dégager de sa mère pour vivre pleinement sa vie | Gavroche & Maman

Un fils doit un jour se dégager de sa mère pour vivre pleinement sa vie

Les affaires devaient continuer, il fallait bien qu’ils mangent. Même si pour le moment, Ponine n’était pas très utile étant donné sa blessure, les Thénardier ne devaient pas s’apitoyer et perdre de vue leurs objectifs. Ils ne changeaient pas, entourlouper le plus de monde possible pour se faire le plus d’argent possible. Quand bien même, un gros coup se préparait peut-être pour la famille, pour l’heure, rien n’était sûr, et la mère de famille n’avait pas envie de rester sur des peut-être. Ça ne nourrirait en aucun cas sa famille.

La Thénardier réfléchissait plutôt à comment profiter de déséquilibre actuel pour tenter de sortir son épingle du jeu. L’insurrection avait tout créer un vent de panique sur Paris, il y avait eu des morts, mais elle ne les pleurait pas puisqu’elle ne les connaissait pas et que de toute façon, tout le monde mourrait un jour. Mais elle pouvait peut-être se servir de cela pour tenter de se faire un peu d’argent. C’était à creuser. Le malheur des uns fait le bonheur des autres comme on dit.

Pour le moment, elle se contentait de parcourir les rues de Paris, l’œil vif à la moindre occasion qui pouvait se présenter. Elle n’avait aucune envie de la moindre occasion. Par malchance, pas beaucoup de bourgeois étaient de sortie, et elle n’avait donc pas grand monde à qui faire les poches. Peut-être qu’ils avaient la trouille qu’on leur tombe dessus, elle ignorait si c’était à juste titre ou non, mais ça ne faisait pas ses affaires dans tous les cas, et il serait de bon temps que cela change.

Elle avait pourtant misé sur une place fréquentée en temps normal, mais là, ça ne se bousculait pas vraiment, même s’il y avait tout de même un petit monde, ce n’était rien comparé à ce que cela pouvait être à certains moments. Toutefois, un gamin qui courrait arriva tout de même à la bousculer alors qu’il aurait pu simplement la contourner. Elle l’attrapa au vol par le bras pour obtenir des excuses, mais elle était loin de s’attendre à tomber sur… son fils. Cela faisait un moment qu’elle ne l’avait pas vu, mais elle pourrait le reconnaître entre mille.

« Tiens, c’est toi. »

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La dernière chose à laquelle elle s’attendait, c’était bien de croiser Gavroche. Voilà longtemps qu’elle ne l’avait pas vu, et elle s’était même demandée s’il n’était pas mort. Gavroche avait préféré vivre dans la rue, et ni elle ni son mari ne s’y étaient vraiment opposés, parce que cela faisait une bouche en moins à nourrir. Mais elle était consciente du fait qu’en plus de cela, il les détestait tous les deux. Ce n’était pas bien grave, si cela lui faisait plaisir, qu’il les déteste, eux avaient plus importants à s’occuper, comme vivre par exemple.

Mais ce n’est pas pour autant qu’elle allait l’ignorer. Elle l’avait quand même mis au monde ce gamin, elle avait souffert pendant plusieurs heures, risquant d’y passer. Mais évidemment, tout ça ne comptait pas vraiment aux yeux des gamins, ni à ceux de Gavroche, ni même à ceux des filles. Tout ce qu’ils prenaient en compte, c’est la façon dont leurs parents se comportaient avec eux. Les choses s’étaient très clairement dégradées au fils des années, elle ne le niait pas. Mais en même temps, ils ne vivaient pas dans un contexte propice à l’amour familial, aux rires et aux chansons.

Gavroche n’avait pas connu cette époque, du moins, il ne s’en souvenait pas, mais quand les filles étaient petites, et que leurs affaires marchaient bien, les Thénardier étaient plus souples avec leurs enfants, plus affectueux. Mais leur faillite avait totalement changé la donne, il leur fallait survivre, et pour cela, il fallait que tout le monde travaille dur. Il n’y avait pas de place pour la procrastination. La misère, la fatigue, la faim, tout ceci les avait rendus plus mauvais envers leurs enfants, et intolérants. Son mari encore plus qu’elle.

Que Gavroche soit parti les soulageait d’un poids financier, mais cela ne voulait pas dire qu’elle ne le considérait tout de même pas comme son fils. Elle ne faisait rien pour lui, elle ne l’aidait pas, elle ne s’inquiétait pas, et elle pensait peu souvent à lui, mais il restait tout de même son enfant. Elle n’était pas le genre de mère qui donnait sa vie pour ses enfants, ni même qui les faisait passer avant elle. Elle ne pouvait pas se le permettre, la situation était beaucoup trop précaire. Ce n’était pas une excuse pour justifier son comportement, c’était juste, la réalité des choses. Elle ne regrettait pas ses enfants, tout de même pas, mais parfois, ils étaient tout de même de sacrées épines dans le pied.

"Ça par exemple, si c'est pas la daronne, que voilà. Qu'est-ce qu'elle vient faire ici ?"

Gavroche n’avait pas vraiment changé, depuis la dernière fois. Il avait grandi, mais elle le reconnaissait quand même. En même temps, elle s’en était occupé pendant un moment, avant que ce dernier ne décide du fait qu’il vivrait mieux tout seul dans la rue. Il avait l’air de bien s’en tirer, même si elle constatait qu’il n’était pas non plus du meilleur état possible. C’était des choses qui arrivaient, et elle n’y pouvait pas grand-chose, dans tous les cas.

« J’viens pour affaires. La dernière fois que j’t’ai vu, t’avais deux guibolles qui fonctionnaient bien. Qu’est-ce qui t’es arrivé ? »

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Elle se demandait ce qui était arrivé à Gavroche. Il était en bon état, la dernière fois qu’elle l’avait vu, alors elle était maintenant curieuse de savoir ce qu’il lui état arrivé, à son fils. Car il avait beau être parti, il restait son fils. Une part d’elle-même voulait penser qu’elle ne devait plus se soucier de lui, et de ses affaires, mais une autre part d’elle-même, sentait toujours ce lien entre eux. Ce lien maternel, ce lien de sang. Quoiqu’il en soit, la curiosité était chose courante, chez les Thénardier, et la mère avait pour habitude de fourrer son nez partout. Et Gavroche n‘allait pas y couper. Qu’il le veuille ou non. Elle espérait tout de même que ce n’était pas trop grave. Ce serait triste qu’elle ait souffert pour le mettre au monde pour qu’il claque aussi jeune. Bon, c’était le risque de faire des gosses, de les voir murir sans avoir atteint l’âge adulte, mais elle ne tenait pas à ce que cela arrive pour les siens. Même si elle ignorait le sort de ses deux derniers fils.

"C’est les petits crétins d’la garde nationale qui voulaient faire la peau à mes guiboles. C’est eux qui visaient comme des guiboles, en fin de compte"

Bah tiens, voilà qu’il avait suivi sa sœur. Ils avaient bien assez d’un enfant infirme. Un deuxième n’était pas glorieux. Heureusement, il ne vivait pas avec eux, alors elle n’avait pas besoin de le soigner. Elle s’occupait déjà d’Eponine, parce que c’était pas son père qui le ferait. Et puis, elle restait tout de même sa fille, même si elle pouvait se montrer dure avec elle, ça ne changeait rien. Enfin, peu importe, elle s’occupait pour le moment de Gavroche, qui ava eu l’idée de jouer les révolutionnaires, et qui s’en était pris une. Au moins, il était encore en vie. Elle n’tait pas si surprise que cela, Gavroche avait toujours eu un côté rebelle, et casse-cou, mais c’était tout de même gros cette fois-ci.

"C’est quoi tes affaires ?"

Voilà encore un bel exemple de la curiosité des Thénardier. Il n’était pas sorti de nulle part ce gosse, mais bon, elle ne voyait cependant pas pourquoi il s’en mêlait. S’il avait préféré couper tous les liens avec sa famille, ça ne devrait pas vraiment l’intéresser, ou l’atteindre. Probablement voulait-il juste se tenir au courant, mais ce n’était pas à lui qu’elle allait rendre des comptes, il ne fallait pas abuser non plus.

« Ça t’ressemble pas de vouloir jouer les héros. J’sais pas c’qui vous est passé par la tête, avec Ponine. Vous êtes dans de bels états maint’nant ! M’enfin… pourquoi tu t’intéresses à mes affaires ? »

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Mathilde n’arrêtait pas de se dire qu’entre Gavroche et Eponine, elle n’était pas gâtée. Certes, ce que faisait son gamin ne la concernait pas vraiment, parce qu’il vivait de son côté, et n’avait plus d’affiliation avec ses parents, mais il restait tout de même son fils, et il avait eu les mêmes idées saugrenues que sa sœur. Pour quoi au final ? Une main en moins, et une jambe blessée. Il n’y avait pas à dire, ils n’étaient pas des cadeaux. Encore heureux qu’Azelma n’ait pas eu l’idée de s’y rendre, elle aussi. Mais la petite était bien trop rêveuse pour aller se battre. Elle restait tout de même surprise de l’attitude d’Eponine, qu’elle n’aurait pas imaginée aussi courageuse. Même si en réalité, cela relevait surtout de la bêtise, et du suicide. Aucun n’était mort, une chance, mais cela aurait pu se produire.

Encore heureux, qu’elle n’ait à s’occuper que de sa fille. Son mari était déjà presque réfractaire à l’idée qu’elle s’occupe d’Eponine, parce que selon lui, elle pouvait déjà repartir courir les rues pour aller faire ce qu’il lui disait de faire. Même si la Thénardier n’était pas la meilleure des mères (et de très loin) elle avait tout de même un peu de pitié pour ses enfants, et Ponine lui faisait vraiment de la peine, avec sa main en moins, et sa mine de chien battu, qu’elle arborait tout le temps. Elle avait beaucoup changé, de quand elle était enfant, et des fois la Ponine d’avant lui manquait.

"J'sais pas, pour faire la conversation. Elle va comment, la frangine ?"

Mouais, son excuse était un peu biscornue. Elle ne savait pas depuis quand il était intéressé de faire la conversation avec elle, lui qui avait quitté sa famille pour la rue. Il faisait bien ce qu’il voulait, elle ne pleurait pas son départ, d’autant plus qu’elle l’avait plus ou moins souvent vu détaler dans les ruelles, et il lui avait toujours paru heureux, donc tant mieux pour lui.

Elle n’était pourtant pas vraiment surprise qu’il s’intéresse à la santé de sa sœur. Il était sans doute bien plus attaché à ses sœurs qu’il ne l’était à ses parents, et ce constat ne l’attristait pas vraiment, puisque les choses étaient ainsi.

« Mieux, j’m’occupe d’elle comme je peux. Mais tu connais ton père, il veut pas qu’elle lambine de trop. »

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Une famille plus décousue que celle des Thénardier serait difficile à trouver. Oh ils ne devaient pas être les seuls dans ce cas, mais c’était particulièrement flagrant chez eux. Entre un des fils qui préférait vivre dans la rue, deux autres on ne sait trop où et les filles qui peinaient à contenter leurs parents, ce n’était pas fameux. Au moins, le couple était uni, c’était déjà ça. Mais il est clair qu’en aucun cas, ils ne représentaient une famille unie et heureuse. Ce serait plutôt l’inverse, pourtant, elle avait toujours fait en sorte de faire au mieux. Elle ne s’était jamais appliquée à être une bonne mère, parce qu’elle estimait qu’elle avait eu d’autres choses à faire, mais elle avait tout de même fait de son mieux pour élever ses gosses, et cela n’avait pas trop mal débuter au début, c’était avec les années que les choses avaient commencé à se gâter.

Est-ce que c’était rattrapable ? Probablement pas. Ils étaient à présent tous trop grands, mais ça ne faisait rien. Elle continuait de tenter de faire fleurir leurs affaires, et ils en avaient cruellement besoin. C’était une évidence. Finalement, Gavroche n’était pas le plus mal lôti, il avait l’air d’être heureux, à vivre cette vie qu’il s’était choisi. C’en serait presque vexant, évidemment. Les Thénardier, en plus de leurs innombrables défauts étaient fiers, mais bon. Le gamin avait fait son choix et ses parents n’avaient pas vraiment tenté de le retenir, ça faisait toujours une bouche en moins à nourrir, alors c’était toujours un poids en moins, même si cela lui avait tout de même fait un petit quelque chose, de voir son garçon partir.

"Ouais, sûr que ça va être pratique de faire la manche à une main. Moins de place pour y mettre ses sous mais plus de pitié à attirer chez le chaland. Qu'il la fatigue pas trop quand même, elle vous servira plus à rien si elle part les pieds devant. Enfin moi c'que j'en dis..."

La femme haussa un sourcil en toisant le garçon du regard. Il était bien mal placé pour effectuer ce genre de remarques. Gavroche avait toujours eu la langue bien pendue, trop pour son propre bien. Et son sarcasme n’était pas nouveau non plus, en soit, il était resté fidèle à lui-même. Quoiqu’il en soit, le sort de Ponine ne le concernait pas vraiment, puisqu’il était parti. Elle restait sa sœur, mais il avait quitté sa famille, alors il pouvait bien se garder ses petits commentaires.

« Mais va donc rapporter tes précieux conseils au paternel. J’suis certaine qu’il adorerait les entendre. »

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La Thénardier estimait qu’elle n’avait absolument aucun conseil à recevoir de Gavroche concernant l’éducation de ses filles. Et aucun conseil tout court d’ailleurs. Il avait préféré partir, vivre sa vie dans la rue. Grand bien lui fasse, elle n’avait pas tenté de le retenir, ça faisait toujours une bouche en moins à nourrir. Et puis, ils se coltinaient déjà Ponine et Zelma qui étaient loin, mais très loin d’être aussi utiles qu’elles ne pourraient l’être, alors autant ne pas rajouter de môme inutile. Même si, en toute honnêteté, elle pensait que Gavroche aurait pu être très utile, étant donné son tempérament.

Mais si le gamin tenait tant que ça à l’ouvrir, qu’il aille donc le faire auprès de son géniteur. La Thénardier préférait laisser couler, elle n’avait aucune envie de s’en prendre à lui, surtout que ça ne servirait strictement à rien, il ne vivait pas avec eux. Son insolence était répréhensible, et il mériterait sûrement de s’en prendre une pour parler comme il le faisait à sa mère, mais à quoi bon. Elle s’en fichait, à dire vrai, mais ça ne serait pas la même salade avec son mari.

Il n’en fallait pas beaucoup au père Thénardier pour qu’il se mette en rogne, les filles en faisaient souvent les frais. Les roustes, c’est vrai que ça éduquait, ça apprenait la discipline, mais ça avait aussi ses limites. Elle estimait que ses filles s’en prenaient assez pour ne pas qu’elle en rajoute derrière. Elle ne s’interposait pas vraiment non plus, mais elle se doutait que ça ne servirait à rien, dans tous les cas. Alors à quoi bon.

"Oui bah non, je passe mon tour. Si je te connaissais pas... je penserais que tu te fais du mouron pour elle."

Elle haussa légèrement les sourcils. De toute évidence, il avait la langue bien pendue, et avait des choses à dire. Est-ce qu’elle s’inquiétait pour Ponine ? Oui, parce que sa fille était une idiote pourvue d’intentions suicidaires. Elle ne survivrait pas longtemps si elle continuait son petit manège, et la mère n’avait pas envie de voir ses gosses mourir. Elle s’était déjà donnée assez de mal pour les garder en vie jusqu’à maintenant, ils pourraient y mettre un peu du leur tout de même. Son instinct maternel était loin, très loin d’être très développé et totalement fonctionnel, mais il y en avait tout de même… un peu.

« Et alors ? »

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La mère Thénardier était peut-être un peu trop méfiante, mais elle s’étonnait tout de même du pourquoi Gavroche se montrait si… intéressé par sa famille. Ce n’était pas comme s’il venait dîner tous les dimanches. Ils n’auraient rien à lui donner même si c’était le cas. Mais elle comprenait bien que c’était sa sœur plus qu’autre chose qui l’intéressait. Elle n’était pas vexée, elle n’attendait rien de la part de son fils. Ce serait trop exagéré de dire qu’elle ne ressentait qu’une profonde indifférence à son égard, c’était tout de même son gosse, elle ne l’oubliait pas, mais il vivait bien sa vie, même si pour le moment il était un peu éclopé, comme quoi ils s’étaient passé le mot entre frangins, mais elle n’avait jamais fait dans le mélodrame et l’abondance de sentiments. Ce n’était déjà pas le cas avec les filles qui étaient encore à la maison, ça n’allait pas l’être avec Gavroche qu’elle n’avait pratiquement pas élevé.

"Ben, permets au gosse que t'as abandonné de se poser la question"

La femme haussa un sourcil tout en observant le gamin. Qu’elle a abandonné, c’était facile à dire. Bon… ce n’était pas totalement faux, mais disons que l’abandon s’était plus ou moins fait avec l’accord de Gavroche. Dans tous les cas, elle ne comptait pas en débattre et encore moins avec le principal concerné. Elle ne doutait pas qu’il n’y avait pas de rancœur dans ses paroles de toute manière, alors ça ne servirait à rien. Ce n’était pas comme si elle allait s’excuser non plus, même si dans tous les cas, il restait tout de même un peu son fils.

"Mais ça m'rassure si c'est qu'tu t'occupes bien d'elle. T'sais, c'est une fille bien, que t'as pondue, j'voudrais pas qu'il lui arrive pire que c'qu'elle a déjà. Elle mérite pas tout le moche qui lui arrive."

Il ne fallait pas exagérer, avec toutes les âneries que leur pondait Ponine, il ne fallait pas non plus parler d’elle comme d’une sainte. Mais elle n’était pas tellement étonnée que Gavroche la défende. Les gosses s’alliaient entre eux, évidemment. Ni faire d’elle une martyre, c’était peut-être un peu exagéré. Ce n’était pas comme si les mots du petit allaient changer quoique ce soit. Elle estimait que oui, elle s’occupait bien d’elle vue la situation, mais bon, Ponine n’était pas toujours la fille parfaite non plus, elle ne l’était même pas souvent.

« Disons qu’ça dépend des jours. »

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Si on attendait d’elle qu’elle plaigne sa fille durant des heures, en applaudissant son courage, et son don de soi… eh bien non. Ce n’était pas du tout son genre, et ça ne le deviendrait pas. Ponine avait le don pour se prendre des méchants coups par la vie, c’est vrai, mais parfois, elle le cherchait tout de même un peu. Après tout, qui lui avait demandé d’aller se battre avec ce groupe de gringalets imbéciles ? Personne. Elle avait perdu une main, c’était bien triste, et certes, la mère prenait soin de sa fille, parce que malgré tout, elle tenait tout de même un peu à ses enfants, et que la gamine lui faisait pitié, mais il n’empêche qu’elle l’avait tout de même un peu cherché, pour cette fois.

Enfin, la femme espérait tout de même que Ponine allait prendre du plomb dans la cervelle, pas au sens littéral évidemment, et qu’elle allait commencer à être un peu plus mature, et d’arrêter de rêver à elle ne savait trop quoi. Entre elle et Zelma, on pouvait dire que les filles les gâtaient. Elle comprenait parfois que le père les cogne, même si elle n’aimait pas trop cela. Mais elles étaient si têtes à claque parfois, que même elle ne résistait pas à leur en coller une.

C’était pas facile, d’élever des gosses. Encore moins quand lesdits gosses n’en faisaient qu’à leur tête, et oubliaient qu’elles devaient grandir, et être responsables. Les parents ne seraient pas toujours là pour le leur rappeler, ou pour tenter de leur ramener quelques miettes à picorer. Les temps étaient durs, très durs. Mais il fallait faire avec, et il fallait, par tous les moyens, tenter de trouver des ressources, sans jamais baisser les bras. Alors aller faire la guerre, ce n’était vraiment pas la priorité.

"Parce que t'oserais dire qu'elle mérite tout ça, peut-être ? J'aim'rais bien, tiens, t'entendre déblatérer sur c'qu'elle a pu faire de si terrible un jour sur deux pour qu'elle mérite d'être à moitié manchote."

La mère haussa un sourcil, en observant son fils. Lui non plus, ce n’était pas parce qu’il avait quitté sa famille qu’il ne pouvait pas s’en prendre une. Personne ne lui avait demandé d’être aussi virulent, mais de toute évidence, sa sœur était un sujet sensible. Quelle hypocrisie. Pour la mère Thénardier, c’en était totalement. Monsieur voulait vivre sa vie, être un enfant des rues et abandonner sa famille, mais il versait des larmes quand il était question de la petite Ponine ? Bah voyons.

« Calme toi donc. C’est pas c’que j’ai dit. Elle méritait pas d’perdre une main, mais personne lui a demandé d’aller s’mêler à ces illuminés. Elle a pris des risques toute seule. Ça veut pas dire qu’elle mérite c’qui lui arrive. »

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Ce gamin avait toujours fait preuve d’une insolence exemplaire. Il s’en était pris, des roustes, avant qu’il ne décide d’aller vivre dans la rue. Grand bien lui fasse. Et il était toujours aussi pénible, une chance pour lui qu’il ne soit pas resté à la maison, puisqu’il s’en serait pris, des roustes, et des bien méritées en plus de cela. Mais bon. Ce n’était pas la question. Cependant, il avait beau vivre par lui-même, elle ne tolérait pas qu’il lui manque de respect. Alors il serait bon qu’il se calme, et qu’il cesse d’hurler à tout va, c’était fatiguant, et cela commençait à l’agacer. Surtout que c’était pour des âneries, aux yeux de la femme. Ponine avait cherché, concernant sa main, et en plus c’était pour des absurdités, que des guignols lui avaient mis dans la tête.

Ils n’étaient que des gamins qui n’y connaissaient rien, à la vraie vie. Ils voulaient parler de la misère alors qu’ils ne la connaissaient pas. Elle ne parlait pas spécialement de Gavroche et d’Eponine, mais de tous les autres. Des gosses issus des classes moyennes, qui avaient toujours eu à manger. Ils voulaient jouer les justiciers, mais personne ne leur demandait rien. Qu’ils aillent servir de chair à canon s’ils le voulaient, mais qu’ils n’entraînent pas les autres dans leur chute. En tout cas, la mère de famille n’adhérait pas à cette cause, et elle ne tolérait pas que ses enfants y prennent part. C’en était fini pour Ponine, de toutes ces bêtises, et elle avait intérêt à le comprendre.

"C'pas des illuminés, c'est des héros. Et Ponine aussi, c'est une héroïne, maintenant."

Elle leva les yeux au ciel. Qu’est-ce qu’il ne fallait pas entendre. C’était pire que ce qu’elle croyait. Mais bon, partir dans un débat avec lui, ce serait totalement inutile, elle n’en avait pas envie, et elle n’en avait pas l’énergie. Qu’il pense ce qu’il voulait, et qu’il aille se faire tuer la prochaine fois, s’il voulait vraiment jouer au héros. Il faisait bien ce qu’il voulait, dans tous les cas.

« C’est ça. Tu aurais été tout fier si ta sœur avait alimenté la fausse commune avec tous vos p’tits copains hein ? C’est vrai que votre mascarade a tellement eu d’effet. Je suis impressionnée. »
"Qu'est-ce que tu voulais dire, alors, quand t'as dit que ça dépendait des jours ?"

Elle en disait que les gosses, c’était emmerdant. Et que parfois ils méritaient de s’en prendre plein la tronche, le temps d’un instant. Mais la mère de famille ne se jugeait pas injuste, elle ne cognait jamais ses gosses juste parce qu’elle en avait envie. En géénral, ils le méritaient. Et elle ne levait pas la main sur Ponine et Zelma sans raison.

« Ca veut dire que les gosses savent parfois être de parfaits sales petits morveux, comme maintenant, et qu’ils se montrent trop ingrats ou trop incapables. »

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